
Le Pacte scolaire – 1958
Le Pacte scolaire est un accord politique signé en 1958 entre les trois grands partis nationaux de l’époque (le Parti social-chrétien, le Parti libéral et le Parti socialiste belge) qui fut traduit légalement dans la loi du 29 mai 1959. Dans le contexte de la deuxième guerre scolaire (1950-1958), il fut pensé dans un esprit d’apaisement idéologique et de compromis entre les communautés de pensée catholique et laïque. Il devait permettre de mettre un terme définitif aux tensions et conflits que la Belgique connaissait depuis plus de cent ans dans le domaine de l’enseignement. Il avait par extension la charge d’atténuer le clivage politico-philosophique au sein de la société belge. Les principes du Pacte scolaire reposent sur la reconnaissance légale de l’existence de plusieurs réseaux d’enseignement en Belgique et sur la mise en place d’une série de mesures et de garanties en faveur du respect de l’égalité entre ceux-ci. Visant à l’époque essentiellement l’enseignement secondaire (mais concernant dans la pratique tous les niveaux d’enseignement, excepté l’enseignement universitaire), il valida dans la loi plusieurs principes centraux qui caractérisent encore aujourd’hui notre système scolaire en Fédération Wallonie-Bruxelles :
- La légitimité du financement par les pouvoirs publics des réseaux d’enseignement privés ; dans les faits, essentiellement le réseau « libre » de confession catholique ;
- Le droit et l’obligation pour l’État de créer ses propres établissements, là où l’équilibre de l’offre d’enseignement est mis à mal ;
- La fin de l’influence du clergé dans l’enseignement communal ;
- L’obligation pour l’école officielle (subventionnée ou non) d’offrir un cours de religion pour chaque culte reconnu en adéquation avec la demande des parents ainsi qu’une alternative non confessionnelle ;
- La reconnaissance de la liberté des parents dans le choix de l’école ;
- La liberté pédagogique des pouvoirs organisateurs ;
- La gratuité de l’enseignement moyen.
Les conséquences du Pacte sont plurielles. Sur le plan politique, l’accord permit d’instaurer une paix relative dans le domaine scolaire qui contribua à l’ouverture des partis politiques à différentes options philosophiques et idéologiques, à de nouvelles tendances et à de nouveaux électorats (c’est le principe de pluralisme politique). Il instaura également la culture du compromis en matière de décision politique et permit à de nouvelles questions sociétales – la problématique communautaire et socioéconomique – de prendre leur essor. Dans le domaine de l’enseignement, il contribua largement à sa démocratisation, à sa massification, mais également à l’explosion des budgets (et donc à l’émergence d’une politique ininterrompue de rationalisation).
Parce que sa principale revendication demeurait la primauté d’un enseignement public, neutre et unique, le mouvement laïque, à l’époque encore peu structuré et représenté principalement par la Ligue de l’enseignement, connut une profonde crise identitaire après la signature du Pacte. Ayant perdu une grande partie de son influence au sein des sphères politiques qui ne souhaitaient pas attiser de nouveaux conflits idéologiques, les associations laïques retrouvèrent une certaine visibilité à partir de la création en 1969 du Centre d’Action laïque.
Depuis 1959, le Pacte a connu quelques ajustements (notamment la définition de la neutralité dans l’enseignement officiel). Cependant, la logique qu’il sous-tend, encore aujourd’hui au cœur de notre système d’enseignement, demeure issue d’un esprit « communautariste », qui sépare arbitrairement au sein de l’école, les élèves suivant leurs croyances. Toute réforme scolaire passe immanquablement au crible de ses dispositions. Depuis la communautarisation de l’enseignement en 1988, certaines prérogatives du pacte (la gratuité de l’enseignement et les cours philosophiques) sont inscrites dans l’article 24 de la Constitution.